Scène de canotage au pont de Bry (titre fictif)
Ferdinand GUELDRY
Le tableau représente une scène de promenade, peut-être familiale, sur la Marne, entre les deux villes voisines de Nogent, Bry et Le Perreux. Les personnages naviguent sur une yole, dite aussi canot des familles, appellation qui en dit bien l'usage. Les maisons de la berge, à gauche du tableau, sont identifiées et permettent de situer le point de vue du peintre en plein milieu de la rivière, à quelque distance du pont de Bry-sur-Marne. Une telle scène a été croquée par un fin connaisseur. Les ombres projetées sur la berge, dans la partie droite indiquent une lumière du matin, temporalité que l'absence d'activité sur la rivière semble confirmer.
L'image semble se diviser, de prime abord, en deux ensembles : ciel et paysage. Le centre géométrique de la toile figure un point lumineux qui contraste entre les reflets dans l'eau de la pointe des arbres. Le mouvement de la barque s'inscrit au-dessous d'une des deux diagonales de l'image. La proue est située dans l'axe de la toile. En fait, on voit se dégager trois ensembles : un tiers formé par le ciel, un tiers représentant l'univers de l'eau, de couleur plus froide, bleutée et un troisième tiers comprenant le bateau et son reflet.
La peinture de Gueldry est caractérisée par la limpidité de ses couleurs, par une palette personnelle, et par l'onctuosité de ses tons et la fluidité de sa matière. La touche picturale dans le traitement de l'eau est rigoureuse. Elle alterne, au premier plan des tons chauds et des tons froids, pour rendre le reflet du bateau dans son dynamisme. La toile est peinte avec le souci de rendre l'eau dans sa complexité optique, avec le mouvement des reflets. Six personnages sont embarqués, on comptera la Marne comme septième acteur de la scène. Elle est baignée par la lumière de l'été. Par comparaison avec l'œuvre déjà conservée au musée (et peinte quatre ans avant), la touche a gagné en fermeté, tant dans le traitement de l'eau que dans celui des arbres, par exemple, où les verts sont également plus chauds. Le traitement des personnages est attendu : deux des hommes portent les maillots rayés, pouvant indiquer leur appartenance à une société nautique locale. Voilà qui permet encore au peintre d'ajouter des couleurs chaudes qui claquent dans la toile. L'observation rigoureuse des postures et des gestes de ces pratiques nautiques permet à Gueldry de restituer les postures des personnages embarqués. Les positions des avirons semblent curieuses : à gauche, une pelle est verticale, l'autre horizontale ; à droite une pelle enfoncée dans l'eau, l'autre un peu moins... Les historiens de l'aviron consultés sur la marche de canot indiquent qu'il s'agit d'une situation de "cafouillage", plus précisément de "fausse pelle" : les avirons ne sont plus synchronisés au même rythme, l'aviron du personnage coiffé d'un béret noir s'est glissé sous l'aviron de son équipier avant... Il est aussi vraisemblable que le canot entame un virage sur sa droite, peut-être en vue d'un accostage. C'est ce que laisse supposer la position du personnage assis à l'avant, prêt à amortir un éventuel choc de l'étrave avec la rive. Et l'on entendrait presque le personnage debout au fond, les mains sur les hanches, diriger la manœuvre...
Note rédigée par Olivier Maître-Allain, ancien directeur du Musée de Nogent-sur-Marne
Avec le concours de Leili Monnet, artiste peintre, Michel Riousset, historien des bords de Marne, Etienne Chopot et Frédéric Delaive, historiens de l'aviron.
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