Histoire du sport

1 avril 2000 - 31 octobre 2000

Histoire du sport

Dans le courant de l’année 2000, le musée de Nogent-sur-Marne a proposé une exposition consacrée à l’histoire du sport. Il s’agissait de mettre en lumière quelques points marquants de cette histoire et de l’illustrer avec des exemples choisis principalement dans le Val-de-Marne.

Le lecteur verra comment la chevalerie, l’anglophilie et les conséquences de la guerre de 1870 ont joué un rôle déterminant dans la naissance du phénomène sportif. L’histoire des équipements sportifs est ensuite évoquée, ainsi que le rôle joué par les collectivités locales dans le soutien du monde sportif. Enfin, on ne pouvait traiter l’histoire du sport, sans saluer la “ légende du sport ” à travers quelques souvenirs d’événements sportifs restés célèbres.

Aux origines du sport moderne : de la chevalerie à l’anglophilie

L’origine du sport est indéfinissable, puisque toute pratique physique le concerne - depuis la chasse à l’aurochs jusqu’au tournoi médiéval, sans parler du des Jeux Olympiques de la Grèce antique. En 1825, le terme recouvre principalement la chasse et l’équitation. En 1873, Littré étend maladroitement la définition à tout exercice en plein-air - ce qui exclut la gymnastique généralement pratiquée en lieu fermé. Vers 1890, 3 origines essentielles suffisent à déterminer l’origine du sport :
- les pratiques d’origine noble (l’escrime, le tir à l’arc, la chasse...)
- les systèmes d’éducation générale, telle la gymnastique qui formera, tant physiquement qu’idéologiquement, les générations façonnées par Gambetta et Jules Ferry
- La diffusion de sports créés ou codifiés par la Grande Bretagne.

L’athlétisme, le football, le rugby, le tennis sont d’origine anglaise. Il s’agit de jeux d’origine populaire, récupérés par les classes sociales dominantes, qui les adaptent en codifiant les règles. Des clubs se créent, assurant la diffusion internationale de ces pratiques. La course à pied - donnant lieu à des paris dès le XVIIIe siècle - est une des origines de l’athlétisme moderne, lequel se développe vers 1890 en France et en 1900 dans les pays de l’est. Le football apparaît en 1885. Le tennis est commercialisé en 1874. C’est donc tout naturellement que le tennis est importé en France sur les côtes de la Manche, à destination d’une classe aisée qui pratique le bain de mer. 

Le plus ancien “ club ” de football de Nogent-sur-Marne : 1732

La Première Compagnie d'arc est créée en 1732 par Arnauld de Pomponne, un ambassadeur de France à Venise, qui avait une maison de villégiature à Nogent. Elle est la plus ancienne des associations sportives nogentaises. Elle se réunit toujours selon la tradition et pratique quatre sortes de tir :
- Le tir Beursault à 50 mètres, sur deux cibles se faisant face
- Le tir pratiqué lors des prix fédéraux (tirs de 36 flèches par volées de trois, à 50 ou 30 mètres). les cibles sont composées de 10 anneaux concentriques; le centre vaut 10 et le total maximum 720 points 
- Le tir institué par la Fédération Internationale de tir à l'arc, consistant à tirer 36 flèches à des distances variant de 30 à 90 mètres. Ce tir se pratique en championnats de France, d'Europe ou du monde. Il fait également l'objet d'une discipline olympique
- Le tir en salle, pratiqué L'hiver, dont l'objectif consiste à envoyer 60 flèches à 18 ou 25 mètres.
En 1910, un grand concours d’arc, appelé Bouquet, est subventionné par le Conseil Municipal de Nogent. 97 compagnies participèrent à la manifestation; 1100 chevaliers tirèrent 44 000 flèches.

Les sociétés de gymnastique : Pour le corps et la patrie

Le 27 janvier 1880, l’enseignement de la gymnastique devient obligatoire dans les écoles de garçons. Parallèlement, la gymnastique donne lieu à la création de nombreuses sociétés qui sont une des grandes composantes de la vie sportive à la fin du XIXe siècle. Suite à la défaite française de 1871, l’enseignement de la gymnastique - barres fixes et parallèles, anneaux, course, mouvements d’ensemble -  porte une idéologie de la revanche. Le développement de l’éducation physique entre dans un plan de redressement physique et moral, puisque le désastre de 1870 est expliqué par la supériorité de la pédagogie prussienne - qu’il s’agit désormais de dépasser. Les sociétés mêlent généralement gymnastique et tir au fusil. L’objectif est clair : "Facilitons à nos enfants les commencements du service militaire." Ainsi la première fédération sportive française est l’Union des sociétés de gymnastique de France (1873). En 1882, sur les 89 sociétés de gymnastique créées, 48 sont situées dans l’est de la France, soit face à l’Allemagne. En 1886 le propos se durcit par la création spécifique de l’Union des Sociétés de tir de France. 

Outre les associations, cette mouvance gymno-belliciste s’appuie sur des clubs scolaires représentés notamment par les grands lycées parisiens, dont l’activité inclut les exercices militaires dès 1882. La même année les bataillons scolaires sont créés. Devant comporter un minimum de 50 enfants, ces bataillons doivent utiliser des armes n’étant pas susceptibles de faire feu . Cette initiative fait la fierté des municipalités sans être réellement pris au sérieux par l’armée. Gambetta souhaitant en 1871 que l’enfant soit encadré à la fois par l’instituteur, le gymnaste et le militaire n’en demandait sans doute pas tant. Les patronages catholiques (médiocrement ralliés à la République) prônent parallèlement des vertus patriotiques, puisque les valeurs militaires d’ordre et d’autorité sont le modèle d’une éducation jugée chrétienne.

Le rôle de l’Ecole normale de gymnastique de Joinville, créée en 1852, est considérable. Destinée à former des instructeurs pour l’armée - ainsi que des athlètes de haut niveau -  sa pédagogie détermina l’enseignement de la gymnastique dans les écoles.

Le Réveil de Nogent

Si l’on excepte les sociétés d’arc et d’arbalète, Le Réveil de Nogent est la plus ancienne association sportive de la commune. Cette Société de gymnastique et de tir est fondée en 1883. En 1905, elle fusionne avec la société de préparation militaire L'Alerte.  De 1883 à 1940 : Le Réveil se distingue, en région parisienne et en province, lors de fêtes fédérales de gymnastique. L'entraînement a principalement lieu au gymnase situé rue Emile Zola et au gymnase François Ro lland. La section gymnastique ne connaît sa version féminine qu’en 1932. En 1978, la gymnastique du 3e âge est introduite.

Le basket-ball est institué en 1933 pour les hommes et en 1935 pour les femmes. Faute d’effectifs et de salle, l’activité subit une éclipse avant de connaître une nouvelle jeunesse à partir de 1975.

1951 voit la création d’une école de danse classique, préparant certaines élèves à une carrière professionnelle. En 1973, cette section se scinde en trois branches : danses rythmique, moderne, modern’jazz. 

La section de handball date de 1953. Le problème de salle se posant à nouveau, l’entraînement se déroule sur le terrain Paul Bert avant de pouvoir bénéficier, dès 1970, du Gymnase Gallieni. En 1981, l’équipe senior accède à la Nationale III.

La section natation est créée en 1967 et gagne un brillant palmarès ; ainsi elle devient, en 1977, 13e club français .Aujourd’hui, cette section continue son activité indépendamment du Réveil, lequel regroupe environ 400 membres.

Les équipements sportifs

1870-1914

Les débuts de l'architecture sportive sont timides. Les équipements relèvent généralement d'initiatives privées. Les hippodromes (Auteuil, 1873 ; Saint-Cloud, 1900) appartiennent à des sociétés hippiques ; ils sont de style mauresque et néo-régionaliste.  Leur objectif est aussi d'offrir des spectacles au grand public. Le Tremblay, construit à Champigny en 1906, est résolument moderne avec son souci du bien voir, son usine élévatrice d'eau et ses vastes écuries. Tous les gymnases privés sont construits dans Paris. Avec leurs galeries réservées aux spectateurs et leur profusion ostentatoire de matériel, ils sont salle de spectacle autant que de travail.

Les équipements publics ou municipaux sont rares, à quelques exceptions près, tel le gymnase municipal d'Asnières (1881). Des gymnases scolaires sont construits dans les lycées parisiens ou banlieusards. Concernant les écoles primaires, le gymnase de l'école Paul Bert de Saint-Mandé (1889) est une exception. Des manèges hippiques - à vocation paramilitaire - sont édifiés dans l'école vétérinaire d'Alfort (1872), au lycée de Vanves (1876). Les piscines  publiques concernent Paris (1884), Vanves et Issy-les-Moulineaux (1877). Les projets envisagés par les municipalités de Vitry et d'Alfortville en 1900 ne sont pas réalisés. Il faut attendre 1925 pour que de nombreux bassins publics apparaissent, surtout  hors de Paris.

Sport, jeu, loisir

Comment définir le sport ? Quelle différence existe-t-il entre jeu, loisir et sport ? En fait, le sport continue le jeu mais il prend la forme que nous lui connaissons par des processus sociaux, tels que l’éthique de l’industrialisation, la scolarisation de masse, son intérêt économique... Il s’agit donc d’un fait social global. Le jeu est souvent spontané et solitaire, d’essence imaginaire et éphémère. Le sport est contrôlé, s’affronte violemment à une réalité, nécessite un arbitrage, tend vers des valeurs. Contre l’improvisation, il vise à des fins parfaites : rendement et records. La technique prend le pas sur l’humain, par les  instruments de contrôle, les laboratoires spécialisés en matière de sélection. Le sport a aussi une prétention morale : éduquer l’esprit, par le biais de la formation corporelle. Pierre de Coubertin évoque le désir de progrès pouvant aller jusqu’au risque - ambition marquant nettement la frontière entre loisir et sport. Le caractère public ainsi que la technicité toujours croissante et mesurable du sport affirment également la différence.

1919-1939

Les architectures sportives se développent considérablement, et sont repensées selon l’urbanisme. Stades et gymnases avoisinent les structures administratives ou s’y intègrent. Par ailleurs, les centres sportifs deviennent polyvalents. Gymnases et salles des fêtes sont souvent confondus ! Compensant un important retard par rapport  à l’Angleterre ou l’Allemagne, des piscines sont construites : Paris (à l’occasion des Jeux Olympiques de 1924), Saint-Denis (1933), Pantin (1937). Les gymnases se multiplient et sont souvent associés à un stade. 

Plusieurs stades privés sont construits, tel le stade de la Suze à Maisons-Alfort (1935), destiné à distraire le personnel. Son esthétique abandonne le néo-régionalisme qui sévit ailleurs au profit d’un style proche de celui des hôtels et casinos de l’entre-deux-guerres. Le stade de la Société d’éducation physique Alsacienne et Lorraine de Paris, situé au Perreux, est bâti dès 1926 et s’inspire du style “ cottage ”.

Le tennis connaît sa plus vieille installation à Maisons-Laffitte en 1920. Ce court privé est commandé par un Américain transplantant en France les mœurs d’une richissime société américaine. Il s’agit donc du mouvement inverse de celui des années 1870-1900 où la France exportait son architecture.
Porté par une image publicitaire forte, le tennis clame que l’hygiénisme et le mouvement caractérisent la vie moderne. Les courts sont souvent intégrés aux résidences. Le tennis exigeant peu d’espace, les clubs apparaissent tardivement en banlieue.

Les hippodromes, toujours polyvalents, connaissent par la création du P.M.U. le brassage d’un public à la fois populaire et aristocratique. Ils bénéficient d’importantes  restaurations.

Après 1945

Dès 1946, des grilles d'équipements apparaissent, destinées à compenser l'insuffisance des installations sportives, dénoncée dès 1936 par Léo Lagrange. La contre performance de la France aux Jeux Olympiques de Rome en 1960 contribue à la prise de conscience du problème. En 1962, une première loi-programme d’équipements sportifs est votée par le Parlement. Les années 1960-1970 manifestent un grand développement de l'équipement, notamment en créations d’installations collectives, de stades et de piscines ; ainsi, Nogent se dote-t-il d'un stade, du gymnase Gallieni (1970) et de son centre nautique (1971). Le développement du sport à l’école, des pratiques individualistes justifient la nécessité de structures de proximité, couvertes de préférence, afin de rendre le sport praticable à longueur d’année. L’individualisation des pratiques, l’attraction du sensationnel mènent à la notion de sports nouveaux - tels le roller, ou l’escalade en ville - qui réclament de nouveaux aménagements. 

Le sport aujourd’hui

Les premiers acteurs de la vie sportive sont les associations locales, dont l’action est rendue possible grâce au dévouement des bénévoles. L’aide des municipalités en matière d’équipements et de subventions est fondamentale pour la vie de ces clubs, sur lesquels les villes s’appuient pour la pratique du sport scolaire. C’est ainsi que dans une ville comme Nogent, les habitants peuvent pratiquer 40 disciplines sportives différentes. Le Conseil général du Val-de-Marne intervient aussi dans la vie sportive. Les Jeux du Val-de-Marne, créés en 1966, méritent une mention spéciale. Ils rassemblent près de 120 000 participants, ils sont le fait d’un large partenariat, allant des communes au Comité départemental olympique en passant par les établissements scolaires et les associations. Leurs objectifs sont de promouvoir le sport et de réaffirmer une éthique basée sur le respect de l’autre et l’égalité des chances. Les nouvelles pratiques des sports sont prises en compte par les pouvoirs publics : l’usage du vélo et des rollers en plein milieu urbain suppose des aménagements de sécurité et des plans de circulation douce. Ces projets sont soutenus par le Conseil régional d’Ile-de-France, à travers un schéma de développement du tourisme et des loisirs.

La légende du sport

L’enthousiasme soulevé par le déroulement de la Coupe du Monde de Football en France et la toute récente victoire européenne des “ bleus ” montrent l’aura immense que peuvent porter des compétitions sportives. Il y a là un effet de masse, une adhésion à des événements qui dépassent les individus. Chacun peut se reconnaître dans des valeurs de triomphe : c’est “la France qui gagne”.

Depuis les pionniers de l’aviation s’écrit ainsi la légende du sport. Roland Garros, sur son monoplan Blériot, concourt dans les meetings d’aviation. La figure de cet aviateur restera parmi les plus célèbres héros du 20e siècle. Le Tour de France fait également partie de ces rituels sportifs auxquels la collectivité tout entière est invitée à participer. Copi, Bobet, Merckx, Poulidor sont autant de noms imprimés dans l’imaginaire collectif. Quant au football, si un seul nom devait rester ce serait celui du roi Pelé, incarnant un Brésil triomphant. Et l’universalité du sport, voulue par Pierre de Coubertin, s’inscrit dans les Jeux Olympiques, où se déroule la compétition entre les Nations. L’opposition entre l’Est et l’Ouest, le boycott de certains Jeux montrent combien ces rencontres internationales sont le reflet d’enjeux politiques. Il n’en demeure pas moins que ces Jeux Olympiques sont aussi un spectacle entraînant des millions de spectateurs dans des moments de communion.

Olivier Maître-Allain, directeur du musée de Nogent
François Scaglia, chargé des expositions

Bibliographie sommaire

  • BAYEUX (Patrick).- Le Sport et les collectivités territoriales.- Paris : P.U.F., 1999
  • COLLECTIF.- “ Sport “  in Encyclopædia universalis, vol. 15, 1973
  • ELIAS (Norbert), DUNNING (Éric).- Sport et civilisation : la violence maîtrisée.- Paris : Fayard, 1998
  • GASPARINI (William).- Sociologie de l’organisation sportive.- Paris : La Découverte, 2000
  • HUBERT (Corinne).- Pistes pour le sport : guide des sources sur l’histoire du sport en Val-de-Marne, sous la dir. de Claire Berche.- Créteil, Archives départementales du Val-de-Marne, 1996
  • LE BAS (Antoine).- Architectures du sport (1870-1940) : Val-de-Marne, Hauts-de-Seine.- Paris : Connivences, 1991
  • MIÈGE (Colin).- Les Institutions sportives.- Paris : P.U.F., 1997
  • MIÈGE (Colin).- Le Sport européen.- Paris : P.U.F., 1996
  • THOMAS (Raymond).- Histoire du sport.- Paris : P.U.F., 1997
  • Le Livre blanc du sport en Val-de-Marne - Conseil Général du Val-de-Marne - 1991